Une explosion sonore hors du commun

Commençons par l’éléphant dans la pièce : le son. Si vous avez écouté quoi que ce soit de metal extrême des années 80, vous avez sûrement remarqué une sorte de balbutiement sonore. Certes, Slayer avait déjà posé quelques jalons avec Reign in Blood, Possessed avait flirté avec le death metal naissant sur Seven Churches, mais Altars of Madness, c’était autre chose. C’était plus intense. Plus rapide. Plus sulfureux. Plus... tout.

Produit par Tom Morris aux légendaires Morrisound Studios, l’album offrait une précision quasiment chirurgicale pour l’époque. Les guitares d’un brun métallique, les batteries martelant la double pédale comme si leur vie en dépendait, et cette basse grondante qui, plutôt que de se cacher dans le mix, semblait vous attaquer à coups de riffs. Quant à David Vincent, sa voix ressemblait à celle d’un démon qui aurait avalé du gravier. C’était nouveau, c’était choquant, et c’était parfait.

Un riffage démoniaque et ses conséquences

Une fois les enceintes branchées, place à la musique. Et là, premier morceau, Immortal Rites. Bam. Les riffs de Trey Azagthoth et de Richard Brunelle (RIP) ne ressemblent à rien d’autre. Tourbillonnants, techniques, chaotiques mais étrangement mémorables. Ces solos où Trey semblait jouer autant avec sa guitare qu’avec l’espace-temps, tant ils explosaient les conventions.

Mais ce n’était pas juste une question de bruit. Les riffs de l’album venaient avec une technicité agressive et des structures à en perdre le nord. Ils étaient comme une cérémonie occulte mise en musique. « Suffocation guitare, mais avec des idées complexes », pourrait-on dire. Des morceaux comme Chapel of Ghouls ou Maze of Torment sont devenus des hymnes, des modèles pour des générations de guitaristes à venir.

Les paroles : Un pied de nez à la censure

On ne parle pas souvent des paroles dans le death metal, parce que soyons honnêtes, entendre quelqu’un parler de zombies ou de rituels sataniques n’est pas particulièrement original. Mais ici, ce n’était pas juste un gimmick. L’album regorge de thèmes tirés des textes occultes, avec des références appuyées à l’anti-religion, à des anciennes divinités et à des concepts ésotériques. Il n’y a qu’à lire des titres comme « Blasphemy » ou « Visions from the Dark Side ». Et dans un contexte où la musique mainstream jouait encore sur des cordes politiquement correctes, Morbid Angel a essuyé une pluie de critiques (des médias conservateurs américains, notamment) pour son contenu jugé « immoral ». Cela a contribué à cimenter leur image de martyrs du metal extrême.

Un album à la croisée des genres

Un autre point crucial de Altars of Madness, c’est qu’il a démontré une fusion d’influences. Prenez le thrash des débuts de Slayer. Ajoutez-y une bonne dose de black metal (oui, Trey Azagthoth était un grand fan de Venom, un autre pilier du genre), et puis amplifiez le tout jusqu’à ce que l’intensité dépasse un point de non-retour. Résultat ? Le death metal tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Ce que cet album a fait, c’est ouvrir la voie à une hybridation du genre. Des groupes comme Deicide, Immolation, ou encore Entombed en Suède ont pris cette fusion et l’ont adaptée à leur propre sauce. Même le grindcore et le brutal death (pensons à Cannibal Corpse) doivent une partie de leur ADN à Altars of Madness. C’est un big bang musical.

Le culte de la pochette

Parce qu’un album culte n’est rien sans une pochette iconique, parlons de celle de Altars of Madness. Créée par Dan Seagrave, un dieu dans son domaine, l’artwork représente une sorte de vortex cosmique peuplé de visages démoniaques. Cette fresque chaotique et dérangeante était comme une promesse visuelle de ce qui vous attendait musicalement. Aujourd’hui encore, cette pochette est une des plus célèbres du metal extrême. C’est simple : on la reconnaît au premier coup d'œil.

Pochette de l'album Altars of Madness de Morbid Angel

Les chiffres qui parlent

  • L’album a été élu parmi les meilleurs albums de death metal de tous les temps dans d'innombrables classements (Decibel, Rolling Stone).
  • Il s’est vendu à des centaines de milliers d’exemplaires, un exploit pour un genre si extrême.
  • Il continue d’influencer des générations de musiciens. On trouve des groupes évoquant cet album comme une source directe d'inspiration des deux côtés de l’Atlantique.

Et aujourd’hui ?

Plus de trois décennies après sa sortie, Altars of Madness reste une référence incontournable. Il est étudié, rejoué, et analysé par les fans et les musiciens underground. Et soyons honnêtes, il n’a pas pris une ride. Que ce soit pour les puristes, pour les groupes émergents qui veulent comprendre leurs racines, ou simplement pour les mélomanes curieux, cet album tient encore tête à tout ce qui sort aujourd’hui dans le death metal.

Morbid Angel, avec cet opus, a bâti un empire sonore qui continue d’étendre son influence. Reste à savoir combien de nouveaux groupes reprendront le flambeau et repousseront encore les limites du genre comme Altars of Madness l’a fait en son temps. Mais une chose est certaine : on n’a pas fini d’entendre les démons invoqués dans cette œuvre monumentale hurler à travers les âges.

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