Klone ou l’art de jongler avec les étiquettes

Klone, c’est un groupe qui ne colle pas aux étiquettes conventionnelles (et c’est pour ça qu’on les aime). Né à Poitiers, ce collectif a commencé dans une veine beaucoup plus heavy et prog avant d’opérer un virage atmosphérique assez stupéfiant. Avec Le Grand Voyage, la bande menée par Yann Ligner (voix) et Guillaume Bernard (guitares) a pris un pari osé : troquer la puissance frontale pour une ambiance contemplative. Ici, exit les cages thoraciques explosées par les gros riffs, bonjour les paysages sonores plus introspectifs et émotionnels. Mais est-ce que ça marche vraiment ?

L’album a été publié par le label Kscope, déjà connu pour héberger des pointures comme Steven Wilson, Anathema ou encore TesseracT. Autant dire que Klone joue dans la cour des grands. Et clairement, ils ont les épaules pour.

Un concept, ou juste un “grand voyage” métaphorique ?

Le Grand Voyage n’est pas un album conceptuel au sens strict, mais il véhicule une thématique forte : l’exploration, qu’elle soit intérieure ou extérieure. Les titres s’enchaînent comme autant d’étapes d’un périple initiatique, alternant moments de contemplation et envolées quasi-cinématographiques.

Prenons par exemple le morceau d’ouverture, “Yonder”. À coups de guitares aériennes et de la voix énigmatique de Ligner, le ton est donné : ici, on est dans quelque chose d’artistiquement recherché. À l’inverse, des morceaux comme “Sad and Slow” ou “Indelible” déploient une intensité émotionnelle qui tape directement au cœur. Ce genre de mix équilibre à merveille la structure de l’album.

Pour ceux qui aiment les chiffres (et les Grammy du cœur), sachez que cet album dure un peu moins de 50 minutes et compte 9 titres. C’est concis, mais chaque minute semble millimétrée, sans filler. Pas si commun dans les productions actuelles, où certains abusent franchement de l’overdose de morceaux.

Pourquoi cet album séduit-il autant ?

Alors, qu’est-ce qui fait de Le Grand Voyage une expérience unique ? Entrons dans le vif du sujet : l’ambiance et la production.

1. Une production au scalpel

Quand tu écoutes Le Grand Voyage avec un bon casque (et si t’as pas encore testé, tu rates clairement un truc), t’es frappé par la précision chirurgicale des arrangements. Chaque instrument semble placé avec amour dans un espace sonore large et immersif. C’est une claque constante, fruit du travail méticuleux de Francis Caste, bien connu pour avoir bossé avec des pointures de la scène quali en France (Hangman’s Chair, Regarde Les Hommes Tomber).

Les guitares respirent, les basses enveloppent, et la batterie, pourtant contenue, porte une dynamique qui enveloppe l’ensemble. Le tout est sublimé par la voix de Ligner, à la fois poignante et subtile. Bref, c’est propre, mais dans le bon sens du terme : on n’a pas l’impression qu’ils ont passé chaque piste au polish pour la rendre trop lisse.

2. Des influences assumées mais digérées

Certains diront que Klone lorgne (un peu trop ?) du côté de Katatonia, voire de Tool, mais franchement, les influences restent assez bien distillées. Y’a pas ce côté “copie carbone” qui peut te gâcher un album. Ici, Klone fait plutôt du Klone, avec sa touche bien française que tu reconnais même au détour d’une chanson instrumentale comme “Keystone”.

  • Pour les fans d’atmosphérique pur et planant : Le Grand Voyage rappellera Anathema dans sa phase tardive, un peu post-rock dans l’âme.
  • Pour ceux qui préfèrent une touche prog sans excès : cet album met l’accent sur la mélodie plutôt que sur des structures alambiquées.
  • Et pour les amateurs de vibes à la Pink Floyd : la profondeur sonore et la dynamique subtile des morceaux feront chavirer vos petites âmes.

L’impact de Le Grand Voyage sur la scène française

Pour faire court : Klone n’est pas un groupe qui fait du bruit juste pour occuper la scène. Avec cet album, ils ont clairement haussé le niveau du métal atmosphérique français. Oui, on a déjà un éventail de groupes solides par ici – Alcest et Les Discrets pour ne citer qu’eux – mais Le Grand Voyage est venu rappeler qu’il y a encore des terrains inexplorés, même dans un style parfois déjà bien défriché.

L’accueil critique a d’ailleurs été unanime. La presse spécialisée comme Rock Hard France, Metal Obs ou encore Lagrosseradio.com a salué la richesse instrumentale et émotionnelle de l’album. Et pour une fois, même le public semblait relativement d’accord (ce qui, soyons honnêtes, est un exploit dans la communauté métal).

Une niche, mais une niche en plein essor

Certes, Le Grand Voyage ne passe pas en boucle sur NRJ ni même sur des radios rock plus “mainstream”. Mais ce n’était clairement pas le but. Avec cet album, Klone creuse un sillon à part, et ça fonctionne. L’attention internationale, notamment via leur signature chez Kscope, montre que cette niche trouve sa cohérence. Et franchement, si ça peut permettre à plus de groupes atmosphériques français de sortir de l’ombre, on signe direct.

Alors, place parmi les meilleurs : méritée ou surévaluée ?

On a vu tout ce que cet album offre : une production léchée, des compositions travaillées, une émotion palpable et une cohérence qui fait plaisir à voir. Alors oui, Le Grand Voyage mérite clairement sa place dans le panthéon des albums atmosphériques français. C’est une belle pièce qui rivalise avec les standards internationaux tout en gardant une identité “made in France”.

Cela dit, l’album ne conviendra pas à tout le monde. Si tu cherches du blast beat furieux ou des riffs qui te déboîtent la nuque, passe ton chemin. Mais pour les amateurs d’émotions ciselées et de voyages introspectifs, c’est un incontournable.

Et après ?

Klone n’a pas fini de nous surprendre. Leur trajectoire musicale prouve qu’ils ne se reposent jamais sur leurs acquis. Alors, est-ce qu’ils feront encore mieux que Le Grand Voyage ? On l’espère, même si le défi est de taille. En attendant, prends une bonne heure pour te poser avec cet album et laisse-toi porter. Parce que si le métal atmosphérique doit continuer de s’écrire en Hexagone, c’est des groupes comme Klone qui en prendront les rênes.

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